Les moyens qu’ont les artistes de s’exprimer sont divers et variés ; on l’a vu avec Duchamp et ses ready-mades – réinterprétation d’objets souvent manufacturés – ou Pollock et le dripping. Parmis ces moyens utilisés : leurs propres sécrétions. Ben voyons ?!
Vous sentez déjà la moutarde vous monter au nez, le malaise vagal poindre, l’apoplexie inexorablement arriver ? Vous n’y croyez pas et une pulsion hystérique s’empare de vous ? Et pourtant, c’est la vérité. Si, si, et cela dure même depuis des siècles ! Vous êtes toujours là ?? Ouh ouh, y’a quelqu’un ? Si vous ne tenez pas le choc, âmes sensibles s’abstenir. Pour les plus curieux, tenez bon, la lumière est au bout du tunnel.
Père de l’art corporel en France (plus connu aux Etats-Unis sous le nom de body art), Michel Journiac est de ceux qui ont choqué, et qui choquent toujours. Basant son art autour du corps qu’il considère comme « une viande consciente socialisée », en 1969 il fait sa Messe pour un corps à la galerie Daniel Templon de Paris. Entre cannibalisme et philosophie, il propose – lors d’une cérémonie où il apparaît habillé en prêtre –, en référence à la communion religieuse du corps du Christ par l’hostie et le vin, de communier avec une rondelle de boudin fabriqué avec son propre sang. L’art de Journiac, où la mort, le sang et l’image sont constamment évoqués, est un art qui a indiscutablement « une dimension sociologique et qui fait une critique du monde et de la société ». On comprend tout – ou presque – lorsque l’on sait que Journiac, avant son engagement artistique, a effectué un passage au séminaire, fait des études de philosophie, de théologie et d’esthétique.
Piero Manzoni, Merda d’artista n°047, mai 1961.
Mais un certain Piero Manzoni a fait plus fort : en 1961, il a créé Merda d’artista, 90 petites boîtes de conserve dans lesquelles il enfermera 30 grammes de ses propres excréments. Le but pour l’artiste, qui voulait confondre l’art et la vie, était de les vendre pour le prix de 30 grammes d’or au cours du jour.
Wim Delvoye, Cloaca, 2000, Antwerp.
Dans le même esprit, le belge et cynique Wim Delvoye a inventé une machine – disons même plusieurs machines puisqu’il existe huit modèles – qui reproduit le système digestif de l’être humain. Véritable prouesse technologique, Cloaca, qui est nourrie avec de vrais aliments, est composée de plusieurs cloches de verre maintenues à la température corporelle (environ 37,2°C pour ceux qui aurait oublié) et communiquant entre elles, dans lesquelles des enzymes ont été introduits afin de favoriser la décomposition des aliments. Mais ce n’est pas tout : comme chez l’homme, la digestion prend fin par la production de véritables excréments… Ces « cacART », comme les appelle l’artiste, sont ensuite emballés et vendus. Leur prix varie en fonction de l’offre et de la demande. Ainsi, une merde Cloaca du 11 septembre 2001 coûte environ trois fois plus cher qu’une autre fabriquée par l’incroyable machine un autre jour. Il y a derrière tout cela un autre message que celui purement et simplement scatologique : il s’agit bien d’un pied de nez fait au marché de l’art. Les personnes qui se targuent d’acheter des oeuvres de bon goût qu’elles peuvent exposer dans leur salon sont ici bien embêtées : on ne peut de toute évidence pas se vanter d’avoir acheté une merde, même si elle est fabriquée par un dispositif ingénieux et révolutionnaire…
Andres Serrano, Piss Christ, 1987.
Andres Serrano, Madonna and child II, 1989.
Je pourrais aussi vous parler du Piss Christ du sulfureux Andres Serrano. Connu pour sa série de photographies La morgue réalisée en 1991 et son History of sex, l’artiste n’aura pas attendu pour choquer. En 1987, il fait une photo d’un crucifix plongé dans de l’urine : l’Église crie au scandale. Il réitère l’expérience en 1989 avec Madonna and child II. S’il on ne sait pas que ces figures saintes sont plongées dans de l’urine, on peut trouver ces photos très belles, notamment la seconde. Dans celle-ci, il se dégage beaucoup de douceur, et les tons rouge-orangés apportent eux de la chaleur. Bien sûr, l’artiste veut choquer, cependant cela est dans le but d’interroger notre conscience. Quant à la question de la religion, complexe, elle fera l’objet d’un prochain billet.
Les sécrétions comme moyens d’expression reste une question imbitable ? Et pourtant, vous me croirez si vous le voulez, mais avant la révolution des pigments chimiques au XIXe siècle, les couleurs étaient réalisées avec des pigments naturels… Pour les jaunes, selon leur intensité, on utilisait de la bile d’animaux ou de l’urine de vaches se nourrissant de feuilles de manguiers… Sympathique non ?
Attention !!!!!!!!
la merde est ‘active’, ce n’est pas une matière inerte et la boîte finira par exploser car les gaz naturels décomposent la matière fécale qui se transforme en méthane, particulièrement inflammable et explosif !
Celle ou celui qui ouvrira la boîte sans précaution (ou la laissera dans un endroit chaud) se verra couvert(e) de fèces !!!!
et là, ce sera VRAIMENT de l’ART !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
……… de l’art comique, était-il besoin de le préciser ?
Bonjour Yfig !
Merci d’avoir laissé un message sur mon blog ! Et merci pour ces petits détails « scato-artistiques » qui ont leur importance ! 😉
A bientôt sur mon blog (sur lequel je vais enfin poster un nouveau billet sous peu…) !
Bonjour Christelle,
Promesse tenue en juin, mais depuis ?
Pourtant ce ne sont pas les sujets qui manquent !
Bon courage
amicalement
Salut à tous,je suis une ancienne élève et amie de Michel journiac et je trouve que la présentation qui est faite de Messe pour un corps est quelque peu simpliste…c’était quelqu’un de drôle,spirituel et très engagé à l’époque ou l’homosexualité était encore un délit (jusqu’en 1981) et personne ne parlait encore du sida;le sachant malade,nous lui avons rendu hommage avec mon ami vidéaste Simon backès en réalisant en 1994 un film documentaire visible à la maison européenne de la photographie à Paris.Loin d’être une caricature,son oeuvre est un engagement total et bien peu d’artistes actuels peuvent prétendre à une telle sincèrité.Il faut pour comprendre ce qu’était Messe pour un corps comprendre le message biblique de l’incarnation. ».ceci est mon corps disait Jésus »….sachez que la première messe pour un corps eut lieu en 1969 et que le film de l’action a été projeté en 1994 à l’expo Hors limites » au centre G.pompidou et qu’elle a bien plus choqué…qu’en serait il aujourd’hui à l’heure du politiquement correct?
Bonsoir Audrey et merci pour votre témoignage !
Loin de moi l’idée de résumer ici la démarche artistique riche et complexe de Michel Journiac. Ce n’est d’ailleurs pas le but de ce blog, mais bien de proposer des angles de réflexion, d’après une vision personnelle de la chose ou bien des réflexions stéréotypées entendues ça et là.
Pour moi, il y a plusieurs vérités sur l’art, notamment l’art contemporain, et, malheureusement ou heureusement, les livres n’en donnent qu’une toute petite vision. Merci pour cet éclairage personnel en tout cas très précieux.
Quant à l’aspect « politiquement correct », je me dis que nous avons la chance d’avoir l’art pour que l’être humain puisse s’exprimer sans censure ou presque et qu’il y ait des gens qui, au nom de l’art, laissent des oeuvres choquantes pour le quidam, s’exposer et vivre.
pour la Peinture à la M…
cf :
jacques lizène, Tome 3, éditions nadja vilenne
et le N° 23 du journal particules
vous pouvez vous diriger vers : http://www.esperluette.biz/2.html
et le baiser de antoni collot à une peinture à la M… sur : http://www.esperluette.biz/9.html présenté à la FIAC en 2008
pour Michel Journiac
le baiser à un billet de sang de la collection dominique noguez
& l’action du 22-10-09 à la galerie P.Dorfmann.
pour nourrir votre réflexion, car : l’archétype de la création : l’Homme se nourrissant de lui-même et des hommes se nourrissant de l’artiste. Cette nourriture corporelle est plus
appétissante et plus « énergétique » qu’une nourriture « spirituelle » »
baisers.
ESPERLUETTE
antoni collot clémentine beaugrand
Une critique dans un point de vue différent de l’oeuvre de Manzoni :
http://www.zoohumain.fr/rubrique,30-gr-de-merde-et-30-000-euros,1215260.html
Surprenant !
Très intéressant en effet et très pointu 🙂 merci pour ce très bon lien 🙂
Bon un pervert tapisse les murs de sa chambre avec sa merde, WIM DELOVE est un Scatophile …. Bon c’est à la mode et le public adore (un public de merde) …. …. Moi je suis artiste, y a 10 ans que je traine les gallère avec mes pastels et mes acryliques, …. = Wim DELOVE est une Merde …. Moi je suis artiste …. et d’autre aussi …. Nous ont est des artistes, Wim Delove est une merde ….
ça devrait passer …. ???? Laurent …. 😉